Extrait :
Je ne connais de volonté vraiment libre que celle à laquelle nul n’a le droit d’opposer de la résistance ; dans la liberté commune nul n’a droit de faire ce que la liberté d’un autre lui interdit, et la vraie liberté n’est jamais destructive d’elle-même. Ainsi la liberté sans la justice est une véritable contradiction ; car comme qu’on s’y prenne, tout gêne dans l’exécution d’une volonté désordonnée.
Il n’y a donc point de liberté sans Lois, ni où quelqu’un est au-dessus des Lois : dans l’état même de nature, l’homme n’est libre qu’à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous ; un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs, et non pas des maîtres ; il obéit aux Lois, mais il n’obéit qu’aux Lois et c’est par la force des Lois qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu’on donne dans les Républiques au pouvoir des magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l’enceinte sacrée des Lois : ils en sont les Ministres, non les arbitres, ils doivent les garder, non les enfreindre. Un Peuple est libre, quelque forme qu’ait son Gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la Loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des Lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain.
Vous avez des Lois bonnes et sages, soit en elles-mêmes, soit par cela seul que ce sont des Lois. Toute condition imposée à chacun par tous ne peut être onéreuse à personne, et la pire des Lois vaut encore mieux que le meilleur maître ; car tout maître a des préférences et la Loi n’en a jamais.
Jean-Jacques ROUSSEAU, Lettres écrites de la Montagne, lettre VIII, dans Œuvres complètes III, La Pléiade, 1964, p. 842-843.
Questions :
1. Spontanément, a-t-on le sentiment que la loi préserve notre liberté, ou bien qu'elle la contraint ?
2. Qu'est-ce qui conditionne la liberté de la volonté, selon Rousseau ?
3. Pourquoi la formule "il n'y a point de liberté sans lois" peut-elle, à première vue, sembler paradoxale ?
4. Qu'est-ce qui distingue l'obéissance à la loi de l'obéissance à un maître ?
5. À quelle condition la loi garantit-elle notre liberté ?
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